Hiver : quand et comment tailler son pommier ?
Horticulteur de métier depuis 25 ans, et de coeur depuis toujours, Franck Prost est un amoureux inconditionnel de la nature : le langage des fleurs, il maîtrise, et plus encore, celui des arbres fruitiers et du pommier ! Quand le tailler, comment et pourquoi, il vous dit tout sur l’entretien de cet arbre fruitier en hiver.
Bonjour Franck ! Alors tout d’abord, pour toi, quelle est la journée idéale pour tailler son arbre ? Est-ce qu’il y a des conditions idéales à réunir pour assurer le succès de la taille ?
F.P : Une belle journée ensoleillée, loin de tout risque de gel ! Car ce dernier va compromettre la cicatrisation. On peut attaquer la taille dès le mois de décembre et la poursuivre jusqu’en février voire même mars, si les bourgeons ne sont pas encore bien formés. Comme la taille va reposer sur l’identification des différents bourgeons (à bois, dard, bourgeon floral…), il est préférable d’attaquer en mars pour les plus novices car à cette période, les bourgeons seront encore plus facilement identifiables.
Donc si je comprends bien, la taille du pommier va reposer sur l'identification des différents bougerons ?
F.P : Oui tout à fait, c'est pour ça que l'hiver est la saison idéale pour la taille des arbres fruitiers à pépins (comme la pomme), car les arbres sont dépourvus de feuilles, ce qui permet de bien reconnaître chaque bourgeon. Sans cette étape d'identification des bourgeons, on ne saura pas où tailler et on risque de compromettre la récole de cet été.
En outils, que faut-il préparer ?
F.P : Il vous faudra un sécateur très affûté, un ébrancheur pour les grosses coupes voire même une petite scie arboricole si vous taillez des branches charpentières par exemple. Pensez aussi à sortir l’alcool à brûler ou l’eau de Javel pour désinfecter vos outils entre chaque arbre (et éviter ainsi de propager les maladies). Et enfin, un mastic cicatrisant ou du goudron de pin pour protéger et cicatriser les grosses plaies de taille.
SECATEUR
EAU DE JAVEL
MASTIC CICATRISANT
On a envie de passer à la pratique maintenant ! Tu nous montres ?
F.P : Tout d’abord en hiver, je vous conseille de travailler sur la forme de votre pommier, ce qu’on appelle la taille de formation. Le but de cette taille va être de « rapprocher » l’arbre, de le mettre à taille humaine pour faciliter la récolte. Lui donner une forme plus compacte, le former donc, tout en provoquant et conservant la production de fruits. Cette taille va également permettre une meilleure aération de la ramure en diminuant les risques de maladies, en favorisant l’insolation mais également le repercement, c’est-à-dire la formation de bourgeons sur les branches plus âgées. Tout d’abord, vous allez supprimer les parties mortes ou malades puis les gourmands, c’est-à-dire les tiges vigoureuses qui partent de la base du tronc ou de la ramure et qui partent à la verticale.
Je vous recommande une taille en gobelet pour créer un puit de lumière.
On redessine l’arbre en supprimant les branches dirigées vers l’intérieur, ou qui se croisent en risquant de se frotter l’une à l’autre. Supprimez également les branches charpentières qui se concurrencent, qui sont parallèles. Taillez ces branches au plus près de leur base, au ras du tronc. Pansez ensuite les plaies avec du mastic à greffer ou du goudron.
Ça a l’air plutôt accessible, même pour des novices !
Mais rassure-nous, si on se loupe, est-ce que notre pommier va quand même donner des fruits ?
F.P : Oui, à condition d’avoir conservé des bourgeons à fleurs (et donc si vous les avez bien identifiés)
Vous pouvez aussi aider votre pommier à fleurir encore plus. Pour cela, on va appliquer le principe de la taille à trois yeux, la célèbre taille trigemme (de décembre/janvier à mars), qui se fait sur les rameaux à bois qui partent des branches fortes (les branches charpentières) de votre pommier. Cette taille va favoriser la formation de bourgeons à fleurs et donc de fruits. On raccourcit les rameaux à bois (branches qui supportent les yeux à bois, c’est-à-dire les plus petits bourgeons, qui ne donneront que des feuilles), pour donner des coursonnes, c’est-à-dire un rameau taillé qui deviendra une branche fertile porteuse de boutons à fleurs. Les années suivantes, par un travail de taille répétée, ces coursonnes porteront les fleurs puis les fruits.
PLUS CONCRÈTEMENT :
1) Sur un rameaux à bois, coupez en biseau au dessus du troisième oeil. Ce troisième oeil, le plus haut, doit être dirigé vers l’extérieur. On a donc formé une coursonne, un rameau préparé pour la fructification… mais pas pour cette année !
2) Durant l’année, le plus haut bourgeon va donner une tige feuillée. Celui du dessous va se transformer en dard (bourgeon pointu susceptible de devenir un bourgeon à fruit). Enfin, le premier bourgeon le plus bas sur la tige, le plus proche de la branche charpentière, va rester un bourgeon « dormant ».
3) L’hiver suivant, on raccourcit cette tige feuillée qui s’était développée dans l’année à 2 ou 3 yeux. Le dard qui s’est formé durant l’année (en 2ème position sur la tige en dessous) devient un bourgeon à fleurs !
Lorsque le dard a donné son fruit, la base de la tige le supportant va gonfler et donner une bourse. Il faut la conserver car c’est un organe très fertile qui donnera régulièrement des fruits pendant 3 à 4 ans. On rafraîchit cette bourse en la coupant à son extrémité. La bourse développera sur sa base d’autres boutons à fruits.
Avant de nous lancer, tu as un dernier conseil de pro' à nous donner ?
F.P : Si vous voulez plus de fruits et de meilleure qualité, ne laissez qu’un seul bourgeon à fleurs quand il y en a plusieurs sur une petite branche et supprimez régulièrement les rameaux trop verticaux pour favoriser les branches horizontales.
Et puis sachez que la nature sélectionne elle-même ses plus beaux fruits
Et puis sachez que la nature sélectionne elle-même ses plus beaux fruits, en se séparant des fruits les plus chétifs. Alors n’hésitez pas à lui donner un petit coup de pouce en supprimant vous-même quelques fruits.
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